Si je n'ai pas réussi
à empêcher le suicide, mon rôle n'est pas
terminé. Je vais au-devant de ceux qui restent :
la famille et les proches, écrasés par un indicible
désarroi.
Leurs sentiments se retournent
contre eux-mêmes : une inexprimable honte de n'avoir
rien deviné, rien empêché. Les proches
sont tentés de s'accuser
eux-mêmes et de s'accuser entre eux, autant que d'accuser
le défunt.
Entre les enfants survivants et eux, un fossé pourrait
se creuser.
Une réaction bien naturelle
des proches parents est de déclarer qu'il s'agissait
d'un accident, de se contenter de déménager
et de se réfugier dans le silence.
Comprenons cette réaction,
mais les secrets de famille font toujours des dégâts.
Si le silence ou le mensonge
s'éternisent, irai-je jusqu'à suggérer
doucement aux endeuillés que, loin de protéger
leur réputation ?
Trop de gens auront remarqué les signes avertisseurs
du suicide ou les contradictions des récits des survivants.
Certains vont croire que les proches ont autre chose à
dissimuler.
Pire, garder le silence, c'est
ne rien faire pour éviter un second suicide parmi les
proches.
Le silence se retourne contre la famille.
Accepter la réalité
et partager les peines seront au contraire bénéfiques.
À moi d'aider les endeuillés
à se libérer du silence, même si je n'ai
reçu aucune formation pour cela. L'aide d'un médecin
spécialisé ou d'un psychothérapeute est
habituellement indispensable. Loin d'y faire obstacle, mon
intervention aidera à surmonter le refus habituel de
recourir au psychiatre.
Si je suis moi-même
médecin, infirmière scolaire, assistant de
service social, juge pour enfants, agent funéraire,
membre du clergé, il serait excellent que j'approfondisse,
au-delà des indications ci-dessous.
Écouter
est ma première tâche : laisser dire que ce n'est
pas possible, que c'est injuste, laisser exprimer la colère,
les sentiments d'abandon, de vide, de culpabilité à
propos des occasions manquées. Le deuil le plus cruel
survient après le suicide d'un jumeau (Dyregrov).
Écouter l'histoire
de la famille et de ses éventuelles déchirures.
Je suis présent en silence, sans chercher à
consoler ni conseiller.
Ce soutien est irremplaçable.
Peu à peu, discrètement, je veille sur le
sommeil, l'alimentation, les activités physiques,
l'abus de médicaments, d'alcool voire d'autres drogues,
.
Je m'associe éventuellement aux démarches,
aux conduites d'enfants à l'école.
Ne pas laisser à la
maison d'arme à feu, de munitions ni de produits toxiques.
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