Suicide, prévention :

parler à l'adolescent

en crise qui s'entête

 

Ecouter l'adolescent, manifester
que je tiens à lui, trouver des appuis.

Révision : 06.07.2013             Translate

 

Quatre points essentiels :

• Ce qui le soulagera le mieux, ce n’est pas ce que je lui dirai, mais ce qu’il me dira.
• Quelqu’un tient-il à lui ?
• Dans sa souffrance, y a-t-il une part maladive, nécessitant un diagnostic ?
• Je ne le laisse pas seul, avant comme après les soins.

 
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Avec chaleur et calme, je l'ai longuement écouté exprimer sa souffrance, sans jamais le forcer.  : « Je veux dormir longtemps. » « Si j'étais mort, ça réglerait le problème. » « Je veux mourir. » (Mascret).
Après la perte d'un être aimé, de l'estime de soi, d'un acquis, d'un rêve, c'est la vie elle-même qui perd son sens.
Il juge sa situation impossible, il en a assez de souffrir.

Parfois, il se figure que sa mort, ou la menace de sa mort pèsera sur des événements comme réunir ses parents. Ou qu'elle arrangera bien du monde.
Ailleurs, il se représente son suicide comme une vengeance, ou comme un service à une cause, mais alors il est rare qu'il l'annonce.

En l'écoutant, j'ai pourtant l'impression qu'elle (ou il) ne veut pas vraiment mourir, mais plutôt : vérifier qu'on tient à elle, influencer le père d'un futur bébé, prouver son amour à celui qui l'a quittée, faire peur, appeler à l'aide sans avoir trouvé les mots pour cela. Peut-être, mais qui sait si la tentative spectaculaire ne sera pas fatale ?

Quand c'est mon tour de lui parler, je me pose en miroir plutôt qu'en contradicteur : « C'est vrai que tu souffres. Tu as eu raison de me dire ce que tu éprouves. Je te remercie de ta confiance. »
Je reformule les sentiments qu'elle ou il exprime. S'il est persuadé d'être compris dans son désir de mort, il en résulte un soulagement. J'amène ainsi le sentiment de solitude à se dissoudre (Orbach, BouliAna).

Une fois établi un lien affectif, il m'est permis d'aller plus loin, par remarques espacées de silences : « La mort te fascine, mais est-ce qu'il n'y a pas eu des moments où tu te sentais moins mal ? Cela peut revenir.
Rappelle-toi tout ce que tu as déjà réussi dans ta vie !
Est-ce qu'il ne te reste pas plein de choses à vivre ? La vie, c'est pour la vie, dit-on au Canada.

Que veux-tu, au fond ? Mourir, ou plutôt vivre autrement ? Tu n'as pas peur de la mort, mais est-ce que tu n'as pas une frayeur de la vie ? 
Imagine que cela arrive, qu'est-ce qui se passerait ? Sûr que tu aurais fini de souffrir ?
Pour bénéficier d’un soulagement, il faut que tu sois vivant.
Surtout, j'ai la certitude qu'il y a quelqu'un, un être vivant, qui tient à toi, qui tient à ta vie. Si c'est le cas, j'imagine quelle peine lui ferait ta perte.

« En appelant tel numéro de téléphone, à n'importe quelle heure, tu pourras te confier discrètement à quelqu'un qui a déjà approché d'autres personnes désespérées, et qui aura tout le temps de t'écouter. »

« J'ai l'impression que tu traverses une crise. Peut-être es-tu paralysé pour imaginer une autre solution ?

Peut-être es-tu malade de dépression ? Reconnaître si tu es en bonne santé ou si tu souffres de cette maladie pour le moment, c'est trop difficile pour toi comme pour moi : c'est le rôle de ton médecin. Par exemple, la dépression est une maladie aussi répandue que le diabète. Le médecin généraliste ou le psychiatre la guérit très bien au bout de quelques semaines.

On croit que le psychiatre, c'est le médecin des fous. En réalité, les trois quarts de ses clients sont tout simplement des gens qui souffrent de dépression ou d'une crise comme la tienne.
C'est à lui que, tu pourrais expliquer pourquoi tu souffres tant et il saura t'aider à trouver ta solution.

Si tu n'as pas déjà d'adresse, voici un ou deux numéros de téléphone.
Veux-tu appeler toi-même ? Je reste à côté si tu le souhaites. »

Redisons-le, en l'orientant vers un professionnel, je ne dois pas lui donner l'impression de l'abandonner. Si possible, je m'arrange pour qu'il dispose d'un téléphone portable.

 

Ainsi, je lui répète ma certitude que quelqu'un peut l'aider d'une manière ou d'une autre.
J'évite de porter un jugement, ce qui aggraverait son sentiment d'indignité.
Je renonce à lui réciter mes propres raisons de vivre.
Je ne lui demande pas le pourquoi, je le laisse me l'expliquer spontanément.

S'il s'agit une déception sentimentale, j'ai le droit de murmurer :
« Je comprendrais que tu donnes ta vie, mais pour quelqu'un qui t'aime comme tu l'aimes. »

Le jeune comprend peu à peu que je tiens à lui, et que je ne suis pas le seul : c'est vital.
Ainsi menée, mon intervention a des chances d'apporter un soulagement et de faciliter la sortie de crise.
Il n'y a pas de temps à perdre, parce que beaucoup de suicides d'adolescents sont impulsifs, avec une crise suicidaire courte.

Je passe la main : au médecin en qui il a confiance, ou à un psychiatre libéral, ou directement au service d'accueil d'urgence en psychiatrie.
Une difficulté est fréquente : les adolescents ne sont pas toujours à leur aise dans les institutions prévues soit pour les adultes, soit pour les enfants.

Je garderai le contact pendant plusieurs semaines.
Par exemple, si un médicament antidépresseur est indiqué, le début du traitement n'aura rien d'agréable.
Je veillerai donc à ce qu'il soit poursuivi : la dépression est une maladie qui peut exposer aux rechutes pendant des années. La prévention des rechutes repose sur d'autres médicaments que les antidépresseurs.
Les circonstances, les pertes prédisposant au suicide peuvent subsister et il n'y sera pas remédié en un clin d'œil.

 

S'il refuse toute aide ?

Il arrive qu'un jeune refuse toute aide, notamment en cas de troubles mentaux ou de dépendance toxicomaniaque (alcool, opiacés, stimulants).

Je cherche des appuis.
J'essaye de trouver deux personnes adultes en qui il ait confiance.
Si le jeune est en conflit avec ses parents, il ne l'est habituellement pas avec ses grands-parents.
À qui d'autre se confie-t-il ? Cousin, ami, infirmière, médecin généraliste ou assistante sociale scolaire, enseignant, responsable religieux ?

Je lui propose de l'emmener chez l'une de ces personnes.
S'il refuse, je téléphone, avec son accord, à l'une d'entre elles devant lui.
Peu après, cette personne et moi nous prendrons conseil d'un professionnel, de préférence un psychiatre (King 1999).
À Montréal, un professionnel organise des réunions pour les proches des suicidaires.
La Page Liens donne des liens avec des associations compétentes, notamment SOS Amitié, dont l'écoute téléphonique permanente s'appelle à 0820 066 066.

En principe, je ne promets pas le secret, car cela me rendrait responsable de n'avoir pas fait le nécessaire. Je lui réponds que c'est trop lourd pour moi. Ce que je peux lui promettre, c'est d'être discret et de ne rien dire qui puisse lui nuire. En échange de cette promesse, accepte-t-il un entretien avec quelqu'un d'autre ? Un engagement de ne pas mettre son projet à exécution dans les prochaines heures ?

Jamais je ne laisse seul, surtout s'il a déjà fait une tentative, ou s'il a dit par quel moyen il envisage de se tuer.
J'essaye de savoir s'il dispose d'une arme à feu, de médicaments toxiques, d'herbicides ou de pesticides, afin de les mettre en d'autres mains.
S’il apparaît que le suicidaire détient une arme ou manifeste l’intention d’en acquérir une, il est permis aux professionnels de la santé ou de l’action sociale d’en informer le préfet.

Le recours au psychiatre est incontournable s'il a déjà fait une tentative de suicide, s'il y a eu des suicides chez ses proches, s'il souffre de troubles mentaux à commencer par la dépression ou d'une autre maladie grave, enfin si son entourage se montre inapte à le soutenir.
La pénurie de psychiatres est malheureusement devenue dramatique en France alors qu'ils sont irremplaçables. Même en hôpital psychiatrique, ils disposent de trop peu de temps. Quant aux hôpitaux généraux, l'état de leurs budgets les incite à abréger les séjours pour tentatives de suicide et à difficile d'organiser l'indispensable suivi.

Souvent, le suicidaire accepte d'être emmené en voiture ou en ambulance, voire par les pompiers au service des urgences hospitalières quand il révèle un scénario élaboré de suicide, un accès à un moyen de s’enlever la vie, quand il est débordé par ses ruminations, bloqué ou agité. Le risque culmine chez un sujet isolé, adolescent ou âgé.
À défaut, le membre de la famille téléphone à l'antenne d'urgence en psychiatrie, qui proposera la solution la plus humaine ; dans l'établissement psychiatrique, le suicidaire sera protégé médicalement et juridiquement.

En cas de péril imminent et de refus,
un membre de la famille demande à un médecin (étranger à l’établissement d’accueil) de voir le suicidaire et de rédiger un certificat. Le généraliste peut injecter une ampoule de cyamémazine, qui s'oppose à une impulsion délirante. Si une hospitalisation sous contrainte est nécessaire, la police le transportera.

Si l'ado est mineur, c'est au titulaire de l'autorité parentale de l'emmener à l'hôpital en lui expliquant pourquoi : « Nous n'arrivons pas à nous comprendre. Il est évident que tu n'es pas un fou, mais tu souffres énormément et une pareille souffrance ne peut pas rester à l'abandon. Ce serait peut-être une idée de nous laisser aider par quelqu'un de vraiment compétent. » Eventuellement, l'étape préalable est le médecin généraliste.

Dans tous les cas, je m'organise avec la psychiatre et les autres personnes de confiance pour que l'adolescent ne reste pas seul avant l'hospitalisation, même dans l'ambulance, ni ne sorte seul de l'hôpital ;
ensuite, pour qu'il soit assidu aux rendez-vous.

Ce sera alors une période périlleuse parce qu'un éventuel traitement antidépresseur peut faire attendre ses bienfaits pendant un mois :
et qu'une subite amélioration de l'humeur et de l'activité peut faire redouter le passage à l'acte.
Enfin, de nombreux suicides sont consécutifs à l'arrêt prématuré des médicaments.
C'est dire l'intérêt d'une concertation suivie avec le psychiatre.

Si l'hospitalisation est refusée ou différée, une solution remarquable, pilotée à distance par un hôpital psychiatrique britannique est d'admettre la personne en crise suicidaire dans un lieu non médicalisé : "Maytree" (Briggs). La personne est traitée comme une "invitée" par des bénévoles, (des "Samaritans") qui offrent longuement leur amitié. Les résultats, chez 159 "invités" dont les deux tiers avaient fait une tentative de suicide, ont été remarquables.

De leur côté, les proches du suicidant ont intérêt à consulter. Il existe des thérapies familiales.

REFERENCES

 
   
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