Deuils après suicides :

règles et coutumes

des groupes d'entraide

Pour partager les deuils après suicides,
comment faire progresser le groupe d'entraide ?

Révision : 06.07.2013   Translate

Trois points essentiels :

• Chacun exprime ce qu’il a vécu et ressenti.
• On n’échange pas de conseils.
• Chez l’enfant, le deuil a des particularités.

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Distinguons les règles des groupes d'entraide, à respecter attentivement,
et les coutumes qui ne seront indiquées qu’à titre d’exemples.

Les règles, les engagements

Le premier engagement des groupes est de se consacrer à partager le vécu, sachant que les conseils sont voués à l’échec.

L'animateur ne craint pas d'emmener les personnes dans leur souffrance plutôt que de combattre celle-ci.
À chacun de puiser dans le vécu des autres pour devenir artisan de sa convalescence.

Pour que la confiance règne, chaque participant s’est engagé à garder rigoureusement le secret sur ce que chacun aura révélé de lui-même.

On s’est donné mutuellement la permission de partager, on s’est engagé à ne pas se critiquer mutuellement.
Ainsi, nul ne ne critique celui qui s’épuise à comprendre le pourquoi du suicide, ou qui exprime une colère bien naturelle, ou qui regrette les occasions manquées, ou qui se déclare mis à l’écart.

Les animateurs du groupe font attention à ne pas déborder de conseils ni redresser des erreurs. Ils se bornent à dire ce qui leur est arrivé, sans jamais être envahissants ni vouloir convaincre.
À chacun de puiser ce qui l’aide, à son rythme, tout en recevant des encouragements discrets : « Tu es devenu capable de… ».

Chacun doit s’attendre à ce que les émotions qu’il exprime soient jugées normales dans son état. Chacun a le droit de pleurer et il arrive même qu’on rie. On évite même d’approuver ce que l’un ou l’autre a dit : mieux vaut que l’un remercie, tandis qu’un autre dise ce qu’il a vécu dans une circonstance différente.

Il est interdit d’interrompre. Personne n’est forcé de parler. Il est déconseillé de parler trop longuement de suite, ce qui enlèverait leurs chances aux autres. Les animateurs veillent aussi à contenir les digressions, car il y a assez à dire sur le cœur du sujet, qui est le vécu du deuil.

Si un participant pose une question, l’animateur propose de laisser d’abord venir le vécu de chacun et de réserver pour la fin les réponses aux questions.
Il est déconseillé de faire un exposé de suicidologie. Plutôt tenir à disposition une liste d’ouvrages recommandés et quelques-uns de ces ouvrages.

Des règles s'imposent encore au sujet de l'enfant en deuil. C'est à un parent de l'informer, sans éluder le terme de mort et en évitant de dire que le défunt est endormi ou qu'il est parti. Ne pas craindre d'indiquer sommairement comment il est mort et de quelle souffrance il voulait sortir.

Dire qu'une fois que son coeur a cessé de battre, il a cessé de souffrir, mais ne pas dire que c'est mieux pour lui. Expliquer que c'était une maladie du cerveau, que l'enfant avait peut-être remarquée, et que beaucoup de gens en meurent.

Personne ne sait pourquoi le défunt n'avait rien trouvé d'autre pour se débarrasser de ses souffrances. C'est bien malheureux car, s'il avait réfléchi autrement, il aurait préféré continuer à vivre.

Les réactions de l'enfant peuvent être inattendues, par exemple une apparente indifférence. Il se peut se croire coupable, du fait de ses "bêtises" répétées. Il faut lui répéter qu'il n'y était pour rien et qu'il ne pouvait rien pour l'empêcher.
Manifester à l'enfant autant d'affection qu'au disparu, sans quoi il finirait par se dire que, dans sa famille, il faut être mort pour être apprécié (Fauré). Le préparer à voir le corps et à assister aux obsèques.

Un enfant a moins peur de mourir que d'être abandonné, par exemple en perdant son second parent. Lui expliquer qu'il ne sera jamais abandonné. S'attendre à des difficultés scolaires.

Les enfants en deuil sont conviés à des groupes de soutien animés par des professionnels de l'association "Verder" en Flandre belge. En dix réunions, ces enfants s'expriment en s'aidant de photos et de dessins affichés. Ils découvrent qu'ils ne sont pas seuls dans leur détresse.

Ils réorganisent leurs vies en l'absence du disparu et finalement ils se tournent vers leur avenir. Les détails se trouvent en néerlandais dans le site Hoeverder.

Les coutumes

Les coutumes indiquées ci-dessous ont fait leurs preuves en Amérique du nord. Ce ne sont pas des règles, mais seulement des exemples.

Le local des réunions peut être public comme une école, une mairie, une bibliothèque bien desservie par les transports en commun, à condition d’être disponible en soirée. Le local peut être le domicile d’un membre du groupe. Ce peut être tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, mais avec le risque de semer ceux qui ont manqué une réunion ou ceux qui viennent pour la première fois.

Quand le local de la réunion est un lieu collectif, la clef du local n’est jamais entre les mains de l’animateur, mais entre celles d'un autre participant, à tour de rôle, et c’est à chacun de s’entendre avec son successeur.

Les préparatifs comportent encore la liste des participants, les feuilles affichant leurs prénoms, l’éventuel thème de la réunion et naturellement la date et l'heure. On prépare des gobelets, des assiettes de carton, des mouchoirs.

Les sièges sont disposés en cercle sans qu’il y ait de table au milieu. Des sièges sont laissés vides pour des retardataires, à qui l’on fait seulement signe de s’asseoir sans que la réunion s’interrompe. S’il s’agit d’une personne qui vient pour la première fois, on lui donnera plus tard l’occasion de se présenter.

Un animateur se place à côté d’un nouvel arrivant pour pouvoir lui glisser de temps en temps quelques mots à mi-voix.

La plupart des groupes se réunissent un soir de semaine, après un repas tiré du sac qui commence vers 19 h. Si l’un ou l’autre a apporté un gâteau, tant mieux, mais qu’il ne sente pas obligé de recommencer chaque fois. Une fois sonnée l’heure du partage proprement dit, on cesse de grignoter. La réunion commence à l’heure dite, par courtoisie pour ceux qui sont arrivés à temps.

L’un des deux animateurs ouvre la réunion en se présentant brièvement comme endeuillé par le suicide de tel proche à telle date et il invite chacun à se présenter de même, pendant une minute environ. L’animateur annonce que la réunion sera un partage et un lien, puis on observe une minute de silence, debout en se tenant la main.

Plus d’un groupe a remarqué que certains gestes sont vécus comme apaisants. Par exemple, dans les périodes dites “des fêtes”, les participants commencent par se mettre debout en cercle, tenant une bougie allumée. À tour de rôle, chacun dit quelques mots ou observe un silence dédié au défunt, puis il souffle sa bougie. Ensuite, les nouveaux arrivants se présentent, s’ils le désirent.

Tôt ou tard, les animateurs auront besoin de demander à un psychologue les rudiments de la dynamique des groupes. En attendant, leur rôle est de veiller à ce qu’on s’accepte mutuellement. Nul ne critique ce qu'a dit une personne en deuil : déjà, elle ne se sent que trop stigmatisée.

Un sentiment de culpabilité écrase tous les endeuillés, spontanément ou en lisant la lettre d'adieu. Il faut laisser ce sentiment s'exprimer longuement. « Je n'ai pas su l'aimer ! »……« Je n'ai plus droit au bonheur ! »

Lors d'une réunion ultérieure, l'occasion viendra d'indiquer que la proportion des suicides impulsifs, décidés en moins de cinq minutes, donc non prémédités et impossibles à prévoir, est bien plus importante qu’on ne l’imaginait : entre 40% et 24% (Williams 1980, Simon 2001). Il faut le répéter pour déculpabiliser les parents qui se reprocheraient de n'avoir pas vu venir.

Par conséquent, personne ne peut se reprocher de n'avoir pas deviné. On s'est aperçu en outre que beaucoup de jeunes suicidés n'avaient pas envie de vraiment mourir, mais seulement de chercher la paix, de ne plus souffrir.
Beaucoup d'autres étaient privés de leur libre arbitre par une dépression, une ivresse, un alcoolisme ou d'autres souffrances psychiques. Les endeuillés ne pouvaient l'ignorer.

Les lettres écrites avant les suicides expriment souvent leur souffrance de façon contradictoire, affirmant “Je te demande pardon pour tout“ puis "C'est de ta faute."

Dans le deuil après suicide, il est normal d'éprouver aussi :

- La détresse post-traumatique décrite dans la Page précédente. Il faut en attendre la fin avant d'adhérer à un groupe d'entraide.

- l'incompréhension voire la colère envers le défunt : « Il a gâché ma vie ! » Cette colère s'étend aux proches jugés gaffeurs ; aux psychiatres qui n'ont ni vu venir, ni communiqué ; et même à Dieu ou au destin. C'est bien plus tard que la personne en deuil parviendra à pardonner à tous et à elle-même.

- la honte, parce qu'on se sent jugé en même temps que toute la famille, ce d'autant plus qu'on remarque le silence gêné des proches. On est "la femme dont le mari s'est suicidé" ;

- la crainte d'une fatalité héréditaire et la crainte d'un autre suicide dans la famille.

- un état dépressif qui succède à la colère. Le désir de mourir pour rejoindre le défunt est exprimé une fois sur deux, mais aussi la crainte d'un second suicide dans la famille (voir le suicide est-il contagieux ?). Si cet état dépressif n'est pas permanent mais évolue par vagues, il n'est en principe pas maladif et il ne nécessite pas de médicaments antidépresseurs. Le deuil lui-même évolue par vagues.
Par contre, un secours médical est nécessaire si la personne ne s'intéresse plus à rien, si elle ne veut voir personne, si elle se considère comme coupable en tout et pas seulement envers le défunt, et si sa pensée, sa mémoire et sa concentration sont altérées (Amar).

- la tentation de l'alcool ou des drogues ;

- Plus tard prédomineront la solitude, l'absence, le "plus jamais" (Hanus 2004).

Si un endeuillé sait que les organes du défunt ont sauvé des vies, mieux ne pas aviver de plaies en le révélant.

Iris Bolton a relaté, jour après jour, le deuil de son fils dans son livre "My son… My son… C'est seulement dans les dernières pages qu'elle a multiplié les conseils.

Par exemple, ne pas s’enfermer, ne pas avoir peur de parler du défunt et de soi-même en famille comme aux amis. Accepter la vérité.
Se pardonner, à soi-même comme au défunt et aux autres.
Si l’on est croyant, comprendre qu’un Dieu aimant ne l’a ni voulu, ni permis. Ne pas cacher les idées de suicide qui vous traversent.

Ne pas s’évader dans l’alcool, les drogues, ni un excès d’occupations. S’écarter des donneurs de leçons. Observer que d’autres endeuillés survivent.
Enfin, choisir de survivre avec cette cicatrice. Ne pas s'en contenter, mais tirer le meilleur de sa vie, à commencer par les relations familiales et amicales.

Ces conseils récapitulent son propre vécu. Au contraire, l’animateur d’un groupe d’entraide se garde d’être un conseilleur. Il aide chaque endeuillé à découvrir son propre chemin par lui-même.

L'animateur rappelle à chaque réunion ce qui a pu être convenu au sujet des fumeurs, de ceux qui doivent partir avant la fin, de la prochaine réunion, de la recherche de nouveaux membres et des cotisations.

Il peut proposer un thème, par exemple : « Ce soir, il y a parmi nous plusieurs pères qui ont perdu un adolescent. Quelqu’un voudrait-il nous dire ce que c’est qu’être le père d’un adolescent qui s'est enlevé la vie ? »

Il n’est pas utile que chaque réunion dure plus de deux heures. À la fin, l’animateur résume ce qui lui a paru essentiel. Éventuellement, il propose une nouvelle minute de silence, en cercle en se tenant la main.

La réunion suivante se tiendra-t-elle dans une quinzaine de jours ou dans un mois ? Au groupe d’en décider, et bien sûr que personne ne se sente obligé d’y prendre part !

Dans une grande ville, il est possible, trois fois par an, de grouper les personnes en deuil pour un cycle de 8 réunions hebdomadaires. Ou pour un cycle d'octobre à mars avec deux réunions par mois. Ils sont plus assidus, ils sont chaque fois les mêmes, on n'est pas obligé de répéter à de nouveaux arrivants ce qui a été dit.

La confiance s'installe plus vite pour aborder des sujets qui bloquent, comme le pourquoi du suicide, les reproches, le sentiment de culpabilité. L'impression de réconfort arrive plus tôt.
Au bout du deuil, assimiler ce qu’on avait aimé chez le défunt, lui demander pardon et lui accorder son pardon.

Après la réunion, les échanges continuent. Les dépenses à partager sont modiques : correspondances autres que courriels ; circulaires décrivant le groupe, ses dates et lieux de réunions ; rafraîchissements ; parfois locations de salle et honoraires.

La réunion terminée, des volontaires font le ménage, remettent les sièges en place, et prévoient de s’entraider pour les trajets du retour.

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