Un mal-être ?
Une inquiétude ?
Une
certitude ?
L'effondrement
scolaire
Le décrochage scolaire
est grave. Il s'interprète différemment selon
que l'enfant est triste ou rigolard. S'il est triste, c'est
parce que les parents se séparent ou parce qu'il
souffre d'une dépression. Si votre enfant rit pour
rien, s'il répète des fous-rires, s'il se
fiche de ses résultats scolaires effondrés,
le cannabis en est la cause habituelle. Sinon, c'est qu'il
perd son temps devant un écran.
Il n'est pas déshonorant
d'en parler à l'infirmière scolaire. A-t-elle
remarqué des retards et absences répétés,
de fréquents passages à l'infirmerie, des
demandes de dispense de sport ?
Choisir alors un médecin
capable de faire un diagnostic
pour commencer : en ville, ou au CSAPA (Centre de Soins,
d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ;
ou au C.M.P. (Centre Médico-Psychologique) le plus
proche.
Bien entendu, ne pas emmener
l'enfant de force ou sous la menace. Plutôt dire :
« Je vois que tu es mal dans ta peau pour le
moment. Est-ce maladif ? Ce n'est ni à moi
ni même à toi de pouvoir le dire. Ce serait
peut-être une bonne idée de demander conseil
à quelqu'un dont c'est le métier, comme
on le fait quand on a mal aux dents. »
Bien entendu, cela n'est
qu'un schéma. Si d'autres produits que le hasch sont
en cause, la gaieté manque.
Comment savoir ?
Je veux savoir
si mon enfant se drogue : saluons cette
prise de conscience, même si elle arrive un peu
tard. Le parent a des indices et il veut des preuves,
mais de quoi et pour quoi, c'est-à-dire pour réagir
de quelle manière ?
De quoi ? Que signifie
le oui ? Il y a tous les degrés.
Dès avant toute
consommation, les provocations sont banales, du
genre « Le hasch, cest génial ! »
Plutôt que de sauter au plafond en croyant que cest
arrivé, ou de feindre l'indifférence, il
est plus adroit de répondre à ladolescent :
« Ne te gêne pas pour me raconter ce
que tu trouves de génial dans le hasch ! »
Et damener le jeune à peser lui-même
le pour et le contre, éventuellement avec votre
aide ou celle dun grand-parent.
Par cette provocation, le
jeune demandait plutôt qu'on s'occupe davantage de
lui.
Mieux vaut l'écouter chaleureusement que le condamner
ou le rejeter.
Si c'est la chute des résultats
scolaires qui attire l'attention, demander calmement comment
il se l'explique et se déclarer simplement prêt
à l'aider.
Certains indices sont
classiques : manque dhygiène, changement
d'amis, effondrement des notes scolaires, perte d'intérêt
pour les loisirs et sports habituels, tendance à
l'isolement, alternances dapathie et deuphorie,
fous-rires ou comportements "planants", brûlures
des vêtements par les pétards, odeur des vêtements ;
coups de téléphone et sorties nocturnes ;
yeux rougis par le cannabis ; pupilles contractées
par l'héroïne ou dilatées par le manque ;
possession de feuilles à rouler longues, pipe à
eau, gouttes pour les yeux, seringues, graines ; lectures
ou disques faisant l'éloge de drogues ; fréquentation
de sites Internet analogues ; mensonges ; colères
volcaniques ;
disparition de médicaments, dargent, dobjets ;
abcès sur des trajets de veines ; jusqu'à
une convocation au tribunal.
Le bref questionnaire
ci-dessous (CRAFFT en anglais, ADOSPA
en français, décrit dans le livre
de Michel Reynaud) a été conçu pour
le dépistage, mais son intérêt pour
les parents est que chaque question invite à réfléchir
à un motif pour changer de comportement :
1, Es-tu déjà monté (e) dans un véhicule
(auto, moto, scooter)
conduit par quelqu'un (toi y compris) qui avait trop bu
ou qui était défoncé ?
2, Utilises-tu de l'alcool ou d'autres drogues pour de
détendre, te
sentir mieux ou tenir le coup ?
3, As-tu déjà oublié
ce que tu avais fait sous l'emprise de l'alcool ou d'autres
drogues ?
4, Consommes-tu de l'alcool ou d'autres drogues quand
tu es seul ?
5, As-tu déjà eu des problèmes
en consommant de l'alcool ou d'autres drogues ?
6, Tes amis ou ta famille
t'ont-ils déjà dit que tu ferais bien de
réduire ta consommation de boissons alcoolisées
ou d'autres drogues ?
Il pourrait être maladroit
de poser ces questions de vive voix. Plutôt les transcrire
sur un papier sous le titre "Questionnaire ADOSPA",
laisser le papier en vue et attendre l'occasion pour revenir
sur l'une ou l'autre question.
Chez les adolescents à risque, on a trouvé
la cocaïne dans les cheveux 52 fois plus souvent
quils ne ladmettaient (Delaney).
Comment réagir ?
L'argent de poche est à maintenir au niveau antérieur.
Si le jeune en réclame davantage, il serait normal
d'examiner ensemble son budget. Les mensonges dureront moins
s'ils sont inefficaces.
Si les vêtements qu'il arbore sont au-dessus de son
budget, vous pouvez demander où il a trouvé
les moyens de ces achats.
Dexcellents conseils
aux parents se trouvent dans le livre
Comment vivre avec un toxicomane, par François
Hervé (2005). On sen inspirera largement
ci-dessous, bien entendu sans copier.
Il nest pas rare de
découvrir des drogues en faisant le ménage.
Il est avisé de les laisser en place, ce qui met
à labri de réactions violentes ;
et den profiter pour engager la conversation :
« Est-ce que tu trouves que ce produit te fait
du bien ? »
Lui signaler que des médicaments
tranquillisants banaux peuvent devenir mortels sils
sont pris en même temps que certaines drogues.
Lui demander comment il compte
faire pour se débarrasser de ces produits, surtout
sans les revendre. Lui dire quaucun parent ne peut
admettre à son domicile de produits qui sont un danger
pour les autres enfants et un risque de condamnations pour
trafic.
En cas de faits délictueux,
il peut être bénéfique de déposer
une main courante au commissariat.
Le plus désastreux
est l'effondrement
de la confiance
réciproque, qui fondait la société
familiale. Le repli sur soi s'aggrave. La vie de relation
est empoisonnée par l'argent et par le mensonge.
Vous voici obligé de surveiller vos bijoux, votre
voiture, votre argent et carte bleue.
Centrer
la conversation sur ce qu'il souffre plutôt que
sur ce qu'il consomme.
Souffre-t-il du manque
matinal ?
A-t-il des idées
de suicide ?
A-t-il des dettes
pour avoir acheté de la drogue a crédit ?
Un malabar est-il venu lui arracher son portable, son blouson
et ses chaussures en ajoutant force menaces contre lui-même
et ses parents ?
Où en est-il en matière de tabac, d'alcool
et de médicaments ?
Exprimer plutôt
sa peine que sa colère : sa peine pour
lui d'abord, sans culpabiliser. Sil est accroché,
ne pas le déclarer coupable de sa maladie, mais
le déclarer responsable de son rétablissement.
Une stratégie de surveillance
et d'interdictions est vouée à l'échec.
S'il est mineur, il est légitime de lui retirer l'usage
d'un véhicule. S'il est majeur, répéter
que la conduite sous influence toxique le rendrait responsable
des conséquences humaines et matérielles d'un
accident.
Face aux angoisses et aux
attentes exacerbées, exprimer sa tendresse et
l'inébranlable certitude qu'il a les capacités
qu'il faut pour redevenir libre, et qu'il en vaut la peine.
Ne pas réagir si le
jeune allègue que c'est de la faute des parents.
Ne pas se croire coupable.
Ne pas être dupe de la réponse stéréotypée
soufflée par le trafiquant : « Je
gère ! »
Ni dune promesse de diminuer "progressivement"
les doses. Ce sera tout ou rien, sauf s'il ne s'agit que
du cannabis.
Les prétextes mystiques
de certains drogués sonnent faux, du fait du dédoublement
de leur personnalité (Camus-Limagne).
Répéter :
« Tu es le seul à pouvoir stopper complètement,
mais tu ne réussiras pas seul. »
Ne jamais fournir l'argent
réclamé.
En cas de menace de suicide,
voir Parler du suicide
avec un adolescent à risque
S'il se sent rejeté,
il consommera de plus belle. Ni lhôpital psychiatrique,
ni la rue, ni la chambre où la personne se retrouve
seule, alors quelle aurait besoin dêtre
entourée et encadrée, ne sont des solutions
satisfaisantes. Abandonner la personne dépendante
à la merci de ses libres choix, alors
quelle na plus son libre arbitre, est une
aberration (Camus-Limagne).
Le frigo reste garni et la
maison ouverte. Lui dire quil nest pas à
lhôtel et quil est libre daller
voir ailleurs, sil est majeur (Pic).
L'éloigner
de la bande en le logeant chez un membre de la famille
ou chez un ami averti du risque de vols. Décourager
loisiveté, orienter vers un travail simple
et mécanique
cadré dans un emploi
du temps précis, par exemple en agriculture, parmi
des adultes bienveillants (Camus-Limagne). Cela, pour
un temps limité, sinon le risque de rechute serait
accru lors du retour au domicile.
S'ouvrir au principal
ou au proviseur. Manifeste-t-il une position claire
ou équivoque ? Envisage-t-il qu'une classe s'organise
pour produire un document sur les drogues et qu'une personne
compétente soit appelée pour en débattre ?
S'il est vrai que des épidémies scolaires
de hasch se démodent, ne pas croire que ce soit la
règle.
Si cest par une incarcération
que se révèle le problème, solliciter
un permis de visite au greffe de la maison darrêt.
Il est essentiel de maintenir le lien affectif et de préparer
la sortie.
En prison, les drogues circulent en abondance. La stérilisation
des seringues y est négligée (Michel).