Suicides :

faits de contagion

Faits de contagion après la révélation
de suicides
ou après des représentations médiatiques

Révision : 06.07.2013          Translate

Trois points essentiels :


• Le suicide récent d’un parent peut être contagieux.
• Des médias ont été à l’origine d’épidémies de suicides.

• Sur l’Internet, les messages poussant au suicide sont prédominants.

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Chacun garde en mémoire l’histoire de suicides enchaînés selon les mêmes modalités : “l’effet Werther”.
Ce qui a été contagieux à coup sûr, c’est le procédé.

Toutefois, cela ne prouve pas que le second suicide n’aurait pas eu lieu sans la révélation du premier.

Il a fallu analyser les faits plus en détail : après le suicide d'un proche parent, d'un ami, dans certains milieux,
et après certaines représentations dans les médias.

• Après le suicide d’un proche parent

Pour comparer combien de personnes ont eu connaissance d’un suicide parmi celles qui se sont suicidées ou non, James A Mercy, Patrick O’Carroll, Marie-Jo Kresnow et leur équipe ont eu l’idée d’interroger les personnes qui se sont ratées de peu. Ainsi ont-ils comparé 513 témoins tirés au sort avec 153 sujets âgés de 13 à 34 ans, qui se sont ratés de peu à Houston de 1992 à 1995.

Le résultat est que la probabilité (odds-ratio) de suicide après le suicide d’un proche parent a été significative à 2,4 chances contre une. Si le suicidé n’était pas apparenté, le ratio tombait à 1,2 chances contre une (non significatif).

Le ratio a atteint presque sept chances contre une si le suicide du proche était récent de moins d’un an, et seulement 1,3 chances contre une au-delà, mais les cas n’étaient pas été assez nombreux pour atteindre le seuil de signification statistique.

Toutefois, les auteurs ont objecté des “facteurs de confusion”, c’est-à-dire les facteurs concomitants. Trois de ces facteurs étaient significativement plus fréquents chez les suicidants : la dépression, l’alcoolisme et le fait d’avoir déménagé dans l’année précédant leur tentative. Les autres étaient une rupture de couple récente, une ascendance noire ou hispanique et un revenu élevé.

Le calcul de “régression logistique” a ramené alors l’odds-ratio de 2,4 à 1,5 chance contre une, ce qui lui faisait perdre sa signification statistique. Les auteurs ont conclu que la contagion n’était pas démontrée, contrairement à ce que suggéraient les odds-ratios initiaux.

Cette interprétation me paraît critiquable pour deux motifs. Environ 40% des personnes interrogées ont refusé de répondre.
Surtout, les neuf auteurs ont négligé d’examiner si les trois “facteurs de confusion” incriminés étaient antérieurs ou ultérieurs au suicide du proche parent.

La dépression et l’alcoolisme étaient simplement recensés comme présents lors de la tentative. Le déménagement avait eu lieu depuis moins d’un an.

Ainsi, ces trois “facteurs de confusion”, de même que les ruptures de couples, ne pouvaient pas être considérés comme indépendants du deuil. Ils ne méritaient donc pas d’être considérés comme facteurs de confusion. Contacté par e-mail, J Mercy a répondu sur-le-champ qu’il en convenait.

Ses résultats méritaient donc d'être sauvés de sa propre discussion suicidaire.
Ainsi est-il acquis que le suicide récent d’un proche parent est contagieux.

• Adolescents amis, ou en relation avec un suicidé ?

Les adolescents informés du suicide d'un de leurs proches ont souffert de détresse post-traumatique et de dépression en nombre accru. Les comportements suicidaires ont paru au moins doubler, surtout chez les adolescents qui avaient été antérieurement dépressifs, mais les cas étaient en nombre insuffisant pour que le seuil de signification statistique soit atteint (Brent 1993, 1994).

• Épidémies dans certains milieux

Dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques, les suicides sont souvent imités.
Voir la revue de Velting 1997

• Contagions après certaines représentations par les médias : télévision, journaux, livres, Internet.

• La télévision

En 1981, à la télévision allemande, une série de six émissions à 20h15, étalées sur 35 jours, ont commencé chacune par le suicide fictif d’un jeune de 19 ans qui se jetait sous un train.

Pendant les 70 jours suivant le premier épisode, dans la tranche d'âges de 15 à 29 ans, on a recensé 62 suicides masculins sous des trains au lieu d’une moyenne antérieure de 33 ; et 15 suicides féminins au lieu de 8 : soit en tout 35 suicides en excès.

Dans la tranche des âges de 15 à 19 ans, l’incidence des suicides ferroviaires a presque triplé. Plus l’âge des suicidés dépassait 19 ans, moins leur surnombre était net.

Jusque-là, il n’y avait pas de preuve de contagion : il pouvait s’agir de coïncidences ou d’intervention de facteurs concomitants.

Par chance, si l’on peut dire, la télévision allemande a rediffusé la même série 21 mois plus tard. L’augmentation consécutive des suicides ferroviaires a été moindre (25  suicides de trop), mais en proportion de l'audience de la série chez les 14-29 ans : 12% contre 19% la première fois. Elle a été statistiquement significative.

Surtout, les deux recrudescences de suicides ont eu exactement la même chronologie.
On a vérifié que les suicides par d’autres moyens, comme les pendaisons, n’avaient pas diminué au cours des années correspondantes. Il n’y a pas eu de creux après les périodes de recrudescence. Il ne s’agissait donc pas de suicides simplement anticipés (Schmidtke et Hafner 1988).

J’ai rencontré le Professeur Schmidtke en nov. 99, à Athènes, au congrès de l’Internat. Assoc. for Suicide Prevention. Il n’est pas entièrement satisfait parce qu’il ne peut pas se prononcer sur le mécanisme de la contagion. Mais le lien de cause à effet entre les fictions télévisées et les recrudescences de suicides de jeunes lui paraît acquis. Les congressistes ne l’ont pas contesté.

L'enquête de Schmidtke ne démontre pas que toutes les représentations télévisées de suicides aient été contagieuses. Ainsi, aux États-Unis, trois films de ce genre n'ont pas été suivis de contagion dans la tranche d'âges de 12 à 19 ans (Phillips 1987, Berman 1988, Kessler 1988). Peut-être les représentations étaient-elles moins violentes qu'à la télévision allemande.

Surtout, les chaînes émettrices sont bien plus nombreuses à se concurrencer aux États-Unis qu'en Allemagne, de sorte que les films étaient vus par une moindre fraction de la population.

« Si la télévision ne modifiait pas les comportements, il n'y aurait pas de télévision. » remarquent les personnels de la télévision dans d'autres circonstances.

On peut conclure que la télévision a déterminé des suicides par contagion et que les jeunes ont été les plus vulnérables à la représentation de suicides de jeunes.
Cette preuve confirme enfin le faisceau des présomptions accumulées depuis l’antiquité en faveur de la contagiosité du suicide (Schmidtke 1988).

• Les journaux

Les récits de suicides, dans les journaux davantage qu'à la télévision, ont été plus contagieux quand la victime était une célébrité ou une femme (Stack, Y Chen).

Le métro de Vienne a ouvert en 1978 et des suicides ont eu lieu en se jetant au-devant des rames. Les journaux leur ont fait une large publicité. Les suicides ont augmenté de 1984 à 1987 sans extension concomitante du réseau ni augmentation du nombre de voyageurs (Etzersdorfer 1992).

Ce qui plaide ici en faveur de la contagion, c’est le résultat de l’action préventive qui sera décrite plus loin.

“Nous ne sommes que le miroir de la société” répètent les médias.
Les faits observés en Allemagne et en Autriche autorisent, me semble-t-il, à retourner la phrase :
“Les médias font de la société leur miroir”

• Les livres

Quand des livres recommandent des moyens de suicide,une contagion est-elle à craindre ?
Pour démontrer leur effet mortifère, les épidémiologistes pourraient mettre à profit la chronologie de leur mises en vente, suivies d’interdiction (actuellement transgressées ouvertement en France) :
- soit en recensant les suicides obtenus par les procédés recommandés,
- soit en recensant la proportion entre les suicides aboutis et les tentatives de suicide pendant les périodes considérées.

La démonstration du lien de causalité permettrait de mettre en œuvre l’article 223-13 du code pénal. Il semble que la parution de Final exit  aux États-Unis ait influencé les procédés choisis mais non l'incidence annuelle des suicides (Velting 1997).

• Internet

“Cybersuicide” est le titre de la première étude sur le sujet (Baume 1997). Le thème du suicide est l'un des plus recherchés sur la toile. En août 2011, le moteur de recherches Google recensait 220 millions de documents sur le suicide, parmi lesquels la prévention n’était mentionnée que 2.600.000 fois, soit une proportion inférieure à 1,2 %.

L’étude de Baume remarque l’abondance des forums encombrés par les messages déclarant l’intention de se suicider sans se rater ni souffrir, et sans mentionner le moindre motif. Les messages de prévention y sont mal accueillis. Beaucoup de cas de suicides aboutis y sont donnés en exemple, mais la réalité de la contagion ne peut pas être prouvée, faute de pouvoir localiser les internautes.

Il est une exception : les pactes de suicide (Mehlum). Un jeune Norvégien a annoncé son projet de suicide sur des forums Internet en invitant d’autre personnes à se joindre à lui. Plusieurs jeunes filles ont acquiescé et une jeune Autrichienne a été choisie. Ensemble, ils ont gravi la falaise.

Bien entendu, il n’est pas exclu que la jeune Autrichienne aurait tenté de suicider de toute manière. Toutefois, sachant que la plupart des tentatives féminines n’aboutissent pas, on peut admettre que la contagion sur Internet a fait perdre des chances de survie à cette jeune fille.

Remarque

Les publications ne démontrent que des probabilités, non des fatalités.
On ne peut prédire à personne ni une contagion, ni une protection.

Bien entendu, la contagion n'est jamais le seul facteur.
Par exemple, dans une famille où sévit la psychose maniaco-dépressive ou ses formes atténuées, le facteur héréditaire s'ajoute à l'effet de contagion.

REFERENCES

 
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